
Un an après la fermeture brutale de plusieurs médias en Guinée, le gouvernement organise un forum sur l’avenir de la presse. Une initiative qui, sous couvert de réconciliation, cache mal les logiques autoritaires à l’œuvre. Derrière les discours policés, la mainmise persiste.

À Conakry, le théâtre continue. Les rideaux se lèvent sur un forum en grande pompe, sur « l’avenir de la presse », convoqué, tenez-vous bien, par ceux-là mêmes qui l’ont étranglée. La Haute Autorité de la Communication, devenue hautement complice. Le CNRD, en treillis sous les projecteurs. Et un gouvernement qui manie le discours comme d’autres la matraque.
En prélude, Bah Oury, notre Premier ministre à la mémoire sélective, a parlé de divorce. Ah, le mot est beau. Poétique même. Comme si Espace TV, FIM FM ou Djoma avaient juste manqué le rendez-vous conjugal. Il aurait pu dire « bannissement », « démolition » ou « liquidation médiatique ». Mais non. Divorce, avec fleurs sur la tombe, sans larmes, sans cadavre reconnu.
Un an plus tard, on nous assure que « les torts ont été rétablis ». Par quel miracle ? Par quel tribunal ? Aucun. Le bourreau a parlé, donc il faut croire. Mais qu’on nous explique : comment rétablir le tort quand la victime n’a pas été relevée, quand aucune justice n’a été rendue, quand les lois bâillonnent encore ? Comment parler de paix sans passer par la vérité ? Bah Oury, lui, préfère dépassionner. C’est plus propre, plus présentable. Il philosophe pendant que d’autres suffoquent.
Et tandis qu’il s’élève dans les hauteurs brumeuses du choc entre l’ancien et le nouveau, les bottes militaires restent ancrées au sol, en bonne place dans la salle. Leur silence parle plus fort que tous les discours. Leur présence est un rappel : la presse n’est pas libre, elle est surveillée. Tolérée. Observée à la loupe comme un insecte dangereux.
Le forum, en réalité, n’est pas un espace de dialogue. C’est une messe. Et les officiants, ce sont ceux qui, depuis 2021, imposent leur dogme. Ils criminalisent les délits de presse, kidnappent les journalistes – comme Habib Marouane Camara, enlevé comme une lettre qu’on ne veut pas lire. Et sur cela, pas un mot dans les belles envolées du chef du gouvernement.
Non, ce n’est pas un débat, c’est une cérémonie. On encense la refondation pendant qu’on enterre les libertés. On fait mine d’écouter pendant qu’on décide ailleurs. Et la presse, elle, assiste à sa propre veillée funèbre, sommée d’applaudir ses bourreaux au nom du renouveau.
Mais la vérité, c’est qu’on ne refonde pas un pays avec la peur. On ne construit pas l’avenir avec des menaces. Et on n’invite pas la presse à réfléchir sur son sort quand on tient encore la clé de ses chaînes.
Ce forum n’est pas un tournant. C’est une farce. Et les rires sont crispés.
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